Le cédant doit-il craindre d'avoir à donner une garantie de passif ?

 

 

Lors d’une cession de titres sociaux, il est d’usage, sauf exception rare, que l’acquéreur sollicite auprès du cédant une « garantie de passif » pour se couvrir contre l’apparition post-cession de dettes ou passifs (redressement fiscal ou URSSAF, factures fournisseurs non enregistrées, litiges pas ou insuffisamment provisionnés…) ou de diminutions d’actif non déclarées au moment de la vente (dépréciations sur stocks, créances non récupérables…) mais dont l’origine remonte à la gestion passée du cédant.

 

Par le biais de cette garantie, il existe une continuité des relations cédant-repreneur et des engagements pris, pendant une certaine durée post-cession.

 

Il s’agit donc d’un élément clé de négociation de la vente que le cédant doit impérativement prévoir et anticiper au risque de cristalliser le processus de vente, tant la négociation des clauses d’une garantie peut remettre en cause la confiance entre les parties, allant même jusqu’à l’échec de la vente.

 

Nous allons voir que le cédant n’a pas à avoir peur d’une telle garantie et que sa rédaction est également nécessaire et utile aux intérêts futurs du cédant.

 

En effet, sans garantie négociée contractuellement, le repreneur qui s’estimerait lésé suite à la découverte de passifs ou de dépréciation d’actifs postérieurs à la réalisation de la cession pourrait tenter des actions en nullité au titre des garanties de vices cachés ou de dol, pouvant ainsi remettre en question la vente même ou pouvant lui permettre de solliciter une indemnisation non bornée.

 

Un des premiers avantages pour le cédant de négocier une garantie de passif consiste donc à dévoiler les risques potentiels (litiges clients par exemple) pour que les conséquences lui soient par la suite inopposables. Tenir une mesure précise de ses risques lui permettra ainsi de plafonner la garantie auprès du repreneur, tant en valeur que dans le temps. Par ailleurs, le simple fait d’énumérer et de quantifier les risques de dépréciation de la société permet un échange de transparence entre les parties et ainsi crée un climat de confiance propice au bon déroulement du processus de vente.

 

De ce fait, le cédant borde le risque par la négociation des engagements de la garantie. Quels sont justement les engagements et le contenu de la garantie ? Il s’agit de définir précisément :

  • Un montant de la garantie : les parties pourront ainsi fixer une franchise (montant minimal pour lequel la garantie n’est pas appelée), un seuil de déclenchement (montant minimal pour lequel la garantie est déclenchée dès le premier euro), un plafond (montant maximal au-delà duquel la garantie ne joue plus).
  • Une durée : généralement de 3 à 5 ans afin de tenir compte des délais légaux de prescription.
  • Une dégressivité : le risque diminuant avec le temps, le montant de la garantie peut être revu à la baisse (par exemple, diminution d’un tiers par an sur 3 ans). 
  • Les conditions de mise en œuvre par l’acquéreur : formalisme, arbitrage, médiation…
  • Le type de garantie : indemnitaire ou réduction de prix. Il existe en effet des différences de traitement fiscal pour le cédant qui serait appelé en garantie en fonction de son statut juridique (personne physique ou holding imposée à l’IS) et du choix du bénéficiaire de la garantie (la société cédée ou l’acquéreur).
  • Le cas échéant le montant et la nature de la « garantie de la garantie » : pour s’assurer que la garantie peut être mise en jeu, le repreneur va souvent demander au cédant une garantie de la garantie. Il peut s’agir soit d’une partie du prix séquestrée ou d’un blocage de comptes courants d’associés ou, généralement d’une caution bancaire ou garantie à première demande.

 

Nous voyons donc bien que l’anticipation du cédant, sa participation à la rédaction d’une garantie de passif et sa transparence sur les risques identifiés sont des éléments clés pour garantir ses intérêts :

  • Dans le déroulement du processus de vente pour désamorcer les craintes du repreneur.
  • Dans la fixation d’une limite du montant du risque (franchise et plafond, bornant un risque qui serait illimité sans garantie contractuelle).
  • Dans la fixation d’une durée (plutôt qu’illimitée).
  • Dans le traitement fiscal des indemnités qu’il serait amené à verser (déductibilité ou non des résultats ou de la plus-value en fonction de son statut).

 

Lorsqu’une PME est vendue à un grand groupe français, voire international, il s’agit d’un aboutissement prestigieux pour une carrière d’entrepreneur, avec en général une belle valorisation à la clé. Mais alors le cédant peut avoir des craintes exacerbées de donner une garantie de passif, s’inquiétant de devoir négocier avec un grand cabinet d’avocats ou une direction juridique rodée aux opérations de croissance externe imposant un document volumineux, standardisé aux souhaits de l’acquéreur, ficelé dans le détail et difficile à comprendre ! Le risque étant que suite à l’opération de cession l’acquéreur ait tendance à actionner de façon intempestive les demandes en garantie, et donc à revenir sur une partie du prix

 

Ce type de contexte nécessite bien entendu d’être accompagné par un conseil expérimenté. Plus que jamais la négociation de la garantie de passif doit alors se faire dans le contexte global de l’ensemble des discussions ainsi que du déroulement des due diligences. L’expérience nous apprend qu’il ne faut pas être effrayé par l’épaisseur du document de la garantie, qui ne sera pas forcément plus efficace de ce fait. En effet le texte de garantie doit avant tout être bien adapté à l’entreprise qu’il vise. Les conseils de l’acquéreur pourront parfaitement maîtriser le droit et les détails de rédaction de leur garantie mais ne l’adapteront pas forcément de façon fine à une acquisition de petite taille pour leur client. Nous avons de nombreuses anecdotes à ce sujet que nous ne développerons pas ici.

 

Enfin, contrairement aux apparences, un repreneur personne physique avec un financement tendu en dette sera dans les faits plus porté à essayer de faire jouer ultérieurement la garantie pour tenter de diminuer a posteriori son prix d’acquisition. Un grand groupe qui confiera à ses équipes opérationnelles la gestion de la nouvelle filiale dans la foulée de l’opération, sauf évidemment fraude ou bien décalage manifeste entre les comptes garantis et la réalité, ne rouvrira le plus souvent jamais la garantie.

 

Comme on le voit, le prix étant loin d’être la seule variable à négocier lors d’une transmission d’entreprise, il est important pour le cédant de se faire accompagner tout au long du processus de vente, tant pour défendre ses propres intérêts, présents et futurs, que pour aboutir à une opération optimale de la cession de son entreprise.

 

Advisio Corporate Finance vous accompagne en amont et sur toutes les différents phases d’un processus de cession, dans le cadre d’un accompagnement personnalisé et d’un conseil sur-mesure rendu nécessaire par le contexte spécifique de chaque entreprise et la situation personnelle différente de chaque cédant.

 

Thierry Charlet et Maxime Lassen de Sago,

Advisio Corporate Finance