Plus-values de cession : le régime spécifique des dirigeants partant à la retraite
(Source : Les Echos Patrimoine du 4/11/2016)
 
Les chefs d'entreprise, qui ont consacré l'essentiel de leur existence à leur PME et accumulé un capital, bénéficient en théorie d'un régime de faveur pour l'imposition des plus-values quand ils partent à la retraite. En pratique, il n'est pas évident de remplir toutes les conditions exigées pour avoir droit à tous les abattements.
C'est sans aucun doute le cas de figure dans lequel l'abattement renforcé s'applique le plus souvent : celui du régime des dirigeants partant à la retraite. Applicable jusqu'au 31 décembre 2017 (les cessions réalisées après cette date ne devraient plus en bénéficier), ce régime permet aux dirigeants qui cèdent les titres de leur société à l'occasion de leur départ en retraite de bénéficier d'un premier abattement fixe de 500.000 euros, puis, pour le surplus, de l'abattement renforcé pour durée de détention, qui peut atteindre 85 % lorsque les titres sont détenus depuis plus de huit ans.
Pas d'abattement pour les prélèvements sociaux
Là encore, ces abattements ne jouent que pour le calcul de la plus-value soumise à l'impôt sur le revenu, mais ne s'appliquent pas pour les prélèvements sociaux et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR).
S'agissant de l'abattement fixe de 500.000 euros, l'administration fiscale vient de rappeler qu'il ne joue qu' « une seule fois sur l'ensemble des plus-values réalisées par le dirigeant lors des cessions de titres d'une même société, que ces plus-values soient réalisées la même année ou dans le cadre de cessions échelonnées, dans les vingt-quatre mois » précédant ou suivant le départ en retraite du dirigeant.
En revanche, le dirigeant est susceptible de profiter plusieurs fois de l'abattement de 500.000 euros lorsqu'il cède les titres de plusieurs sociétés, sous réserve que l'ensemble des conditions d'application de ce dispositif soit respecté (réponse ministérielle Cadic, « JO », Sénat du 1er septembre 2016). Or ces conditions sont nombreuses.
De nombreuses conditions
Pour prétendre au bénéfice de ces deux abattements, le dirigeant doit avoir exercé, de manière effective et continue, dans la société ou les sociétés dont il vend les titres, une fonction de direction lui ayant rapporté plus de la moitié de ses revenus professionnels pendant les cinq années précédant la vente et avoir détenu directement ou indirectement avec des membres de sa famille au moins 25 % des droits financiers ou des droits de vote.
Il doit faire liquider sa retraite dans les deux ans qui suivent ou précèdent la cession, ce qui suppose qu'il cesse toute fonction dans la société, y compris une fonction salariée, et cède la totalité des titres qu'il détient ou au moins la moitié, s'il détient plus de 50 % des droits ou uniquement l'usufruit des titres. Enfin, le dirigeant ne doit pas détenir des droits dans la société cessionnaire (un pourcentage de détention de 1 % est toutefois toléré).
Les cofondateurs exclus
Ce régime de faveur ne profite qu'au dirigeant, qu'il soit gérant unique ou cogérant. En revanche, les cofondateurs et les membres de la famille du dirigeant ne peuvent pas en profiter même s'ils cèdent leurs titres en même temps que le dirigeant. Cela signifie notamment que, dans le cas d'un couple marié ou pacsé, le conjoint ou partenaire de pacs qui cède ses titres à l'occasion du départ en retraite de son époux ou partenaire dirigeant ne peut pas bénéficier de ce régime de faveur, à moins qu'il ne remplisse lui-même toutes les conditions d'application du dispositif. Le fait qu'ils fassent l'objet d'une imposition commune ou qu'ils soient mariés sous le régime de la communauté légale est sans incidence ! « Rappelons qu'un autre régime favorable est susceptible de s'appliquer aux dirigeants de PME qui vendent leur entreprise à l'occasion de leur départ en retraite. Il concerne les entreprises individuelles et les sociétés soumises à l'impôt sur le revenu », rappelle Patrick Viault, expert-comptable. La plus-value réalisée à l'occasion de la cession est exonérée en totalité, quel que soit son montant, dès lors que l'activité était exercée depuis plus de cinq ans.
Exemples de calculs de l’impôt
Hypothèse :
Un dirigeant cède les actions de son entreprise à l’occasion de son départ en retraite.
Les conditions d’application du régime des dirigeants partant à la retraite sont remplies.

Dans la mesure où il détient ses titres depuis au moins huit ans, il peut bénéficier, en plus de l’abattement fixe de 500.000 euros, de l’abattement proportionnel de 85 %. 

On suppose que son taux marginal d’imposition (TMI) est de 41 %.

 

Cas n° 1 : il réalise une plus-value de 650.000 euros.

Ce gain est réduit de l’abattement fixe de 500.000 euros, soit un gain imposable de 150.000 euros après application de l’abattement.

Montant de l’abattement pour durée de détention : 150.000 × 85 % = 127.500 euros.

Le gain net imposable à l’impôt sur le revenu, après application de ces deux abattements, est donc de 22.500 euros. Soit 9.225 euros

à payer au titre de l’impôt sur le revenu.

En revanche, les prélèvements sociaux (15,5 %) sont calculés sur une assiette de 650.000 euros. Soit 100.750 euros de prélèvements sociaux.

Imposition totale : 109.975 euros.

 

Cas n° 2 : il réalise une plus-value de 450.000 euros.

Compte tenu de l’abattement fixe de 500.000 euros, il n’a pas d’impôt sur le revenu à payer et un reliquat d’abattement non utilisé de 50.000 euros.

Il reçoit un an plus tard, un complément de prix en exécution d’une clause d’indexation prévue dans le contrat de vente, d’un montant de 75.000 euros.

Le complément de prix imposable à l’impôt sur le revenu est réduit du montant du reliquat de l’abattement fixe, soit : 75.000 euros – 50.000 euros = 25.000 euros.

Montant de l’abattement pour durée de détention : 25.000 euros × 85 % = 21.250 euros.

Le complément de prix imposable, après application des deux abattements est de 3.750 euros (75.000 – 50.000 – 21.250 euros).

Soit, compte tenu du taux de 41 %, 1.537 euros à payer au titre de l’impôt sur le revenu.

Les prélèvements sociaux (15,5 %) sont calculés sur une assiette de 525.000 euros (450.000 + 75.000 euros), soit 81.375 euros de prélèvements sociaux.

 

Imposition totale : 82.912 euros.

 

 

Auteur : Nathalie Cheysson-Kaplan