Contrôle fiscal : qui est dans le viseur ?
(Source : Les Echos Patrimoine du 22/02/2018, auteur Nathalie Cheysson-Kaplan)
 
Chaque année l'administration fiscale contrôle 900.000 dossiers de particuliers. Etes-vous dans la cible ?

 

Chaque année, l'administration fiscale contrôle un peu moins de 900.000 dossiers de particuliers, sur les quelque 17 millions de foyers fiscaux imposables. La quasi-totalité de ces contrôles sont des contrôles sur pièces, effectués depuis le bureau du vérificateur. Ces contrôles consistent à analyser les déclarations déposées par les contribuables, à les recouper avec les autres informations détenues par l'administration fiscale, et à s'assurer de la cohérence de l'ensemble.

 

Les contribuables n'en sont informés que si le vérificateur en charge de leur dossier leur demande une information complémentaire ou leur notifie un redressement.

 

A l'inverse, s'il n'a détecté aucune anomalie, le dossier est clos sans que le contribuable n'ait été informé du contrôle dont il a fait l'objet. Plus exceptionnellement, les particuliers peuvent faire l'objet d'un contrôle approfondi dans le cadre d'un examen de leur situation fiscale personnelle (EFSP).

 

Notifiés aux contribuables, ces contrôles suivent des procédures très encadrées et doivent permettre aux services fiscaux d'obtenir davantage d'informations que le simple contrôle sur pièces. Ils peuvent porter sur l'ensemble des revenus et du patrimoine et sur tous les impôts dus. Lorsqu'il s'agit de particuliers, ils ont plutôt lieu dans les locaux de l'administration.

 

Les contribuables à « fort enjeu »

 

Le contrôle fiscal ne s'exerce pas de la même manière pour l'ensemble des impôts et des contribuables. Les impôts ou les activités pour lesquels des risques ont été identifiés ainsi que les contribuables présentant des enjeux financiers élevés sont plus fréquemment contrôlés que les autres.

Les « dossiers à fort enjeu » doivent en principe être systématiquement contrôlés, tous les trois ans, pour éviter qu'aucune année ne tombe sous le coup de la prescription.

 

Pour la période triennale 2016-2018, sont considérés comme étant à « forts enjeux » les contribuables dont le revenu brut est supérieur à 270.000 euros ou qui possèdent un patrimoine brut imposable à l’ISF supérieur à 3,9 millions d'euros. Le seuil de revenus de 270.000 est relevé à 500.000 euros pour les foyers dont les salaires ou pensions de retraite représentent 75 % de leurs revenus.

 

Croisement de fichiers

 

Pour les autres contribuables, la sélection des dossiers à contrôler s'effectue à partir de croisement de fichiers informatisés. Tout changement de situation, variation brutale de revenus ou de patrimoine ou encore un événement inédit, comme la vente de l’entreprise , est propice à un repérage et peut conduire l'administration fiscale à interroger le contribuable ou à effectuer un contrôle sur pièces. « En cas de cession de parts sociales, l'application des abattements pour durée de détention déclenche très souvent une demande de renseignements de la part de l'administration fiscale. Elle cherche notamment à savoir si les conditions pour bénéficier des abattements renforcés sont bien réunies », indique Stéphanie Auféril, avocate chez Arkwood.

 

Modélisation des comportements frauduleux

 

Depuis la fin de l'année dernière, l'administration fiscale dispose d'un nouvel outil de ciblage des contrôles dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » qui devrait lui permettre de mieux préparer et de mieux cibler les contrôles fiscaux. Mis en oeuvre depuis 2014 pour les fraudes réalisées par les contribuables professionnels, étendu ensuite aux personnes physiques impliquées dans le fonctionnement des entités professionnelles (dirigeants, associés...), cet outil de traitement automatisé des données vient d'être étendu, par un arrêté publié en novembre 2017, à l'ensemble des contribuables particuliers.

 

Cette extension est effectuée à titre expérimental pour une période de deux ans. Basé sur des techniques de « data mining » (exploration de données), cet outil permet de modéliser des comportements frauduleux en collectant et en croisant de nombreuses données personnelles issues de sources différentes : informations issues des fichiers mis en oeuvre par l'administration fiscale - fichiers des comptes bancaires, base nationale des données patrimoniales, fichiers des contrats de capitalisation et d'assurance-vie... -, informations issues de fichiers provenant d'autres administrations françaises et étrangères et de bases de données privées.

 

« Aviseurs » rémunérés

 

Autre nouveauté, en vigueur depuis le 24 avril de 2017, également à titre expérimental pendant une période de deux ans : la reconnaissance du statut « d'aviseur fiscal ». Jusqu'à présent, l'administration fiscale se refusait à prendre en compte les dénonciations anonymes. Mais elle admettait que des signalements qui lui étaient parvenus de façon non anonyme pouvaient retenir son attention, s'il s'agissait de « faits graves et décrits avec précision » susceptibles de justifier un début d'enquête, et le cas échéant, de déclencher un contrôle fiscal si leur véracité était établie.

 

Une étape supplémentaire vient d'être franchie. La loi de finances pour 2017 permet à l'administration fiscale d'indemniser toute personne étrangère aux administrations publiques qui lui fournirait des renseignements ayant amené à la découverte d'un manquement à une obligation légale.

 

Seuls les renseignements fournis à compter du 1er janvier 2017 peuvent être rémunérés. Cette procédure est toutefois limitée aux pratiques « frauduleuses » contenant un élément d'extranéité : infractions liées aux règles relatives à la domiciliation en France, à la répression de l'évasion fiscale internationale et à l'obligation de déclarer les comptes bancaires, les contrats de capitalisation et les trusts détenus à l'étranger par des résidents.

 

« Avec ce texte, on officialise la délation. Mais il ne donne aucune indication sur la façon de procéder, ni sur la protection accordée à l'aviseur. La seule chose que l'on sait, c'est que sa rémunération sera assise sur les résultats du contrôle. Il a été évoqué qu'un budget de 2,7 millions d'euros soit affecté à cette mesure », explique Jérôme Barré, avocat associé chez Franklin.