Est-ce que mon entreprise se valorise avec le même multiple que celui annoncé dans les médias ?

 

« Les prix d'acquisition des PME de la zone euro ont fini l'année au plus haut, autour de neuf fois l'Ebitda, selon l'indice Argos » nous indiquaient Les Echos du 13 février 2018.

De nombreux dirigeants de PME que nous rencontrons nous demandent donc régulièrement si leur entreprise se valorise au moins selon ce multiple.

 

A quoi correspond cet indice ?

 

L’indice Argos Mid Market, réalisé par le cabinet Epsilon Research, est publié depuis 2006 et est effectivement devenu une référence pour valoriser les entreprises non cotées.

 

Dans la pratique, il est calculé chaque trimestre à partir des informations collectées sur une centaine de transactions d’entreprises intervenues, dont les principales caractéristiques sont les suivantes : 

  • Prix de transaction (valeur des titres) entre 15 et 500 M€ avec une valeur moyenne en 2017 de 144 M€, pour seulement un quart des transactions entre 15 et 49 M€
  • Chiffre d’affaires moyen (2017) : 120 M€, marge d’EBITDA (EBE) environ 14% et EBIT (résultat d’exploitation) 10%
  • A noter qu’un tiers des opérations correspondent à des LBO
  • Il s’agit d’un échantillon européen (zone Euro uniquement) dont environ 30% des opérations en France

En résumé l’entreprise type de cet échantillon fait 120 M€ de chiffres d’affaires avec 17 M€ d’EBITDA et s’est vendue autour de 150 M€. C’est une belle ETI certainement très bien gérée. Elle s’est vendue avec un multiple de 9,1x l’EBITDA qui, on le rappelle, s’entend hors dette financière (qui doit être déduite du prix) ou trésorerie structurelle excédentaire (qui elle s’y rajoute).

 

On mentionnera également qu’indépendamment de la taille de l’entreprise, son secteur d’activité est un des autres paramètres qui peut influer de façon importante sur le niveau du multiple et donc sur la valorisation d’une société. L’indice Argos Mid Market détaille d’ailleurs dans sa version complète des multiples sectoriels, même si la taille alors réduite de certains échantillons peut inciter à la prudence dans l’utilisation des données.

 

Les dirigeants que nous rencontrons ont des entreprises plus petites.

 

Est-ce que la taille influence la valorisation de l’entreprise ?

 

La réponse est oui :

 

D’un point de vue théorique la raison fondamentale est que le risque de la société augmente avec la taille qui diminue.

En effet, la plupart des méthodes d’évaluation d’entreprise correspondent de près ou de loin à l’actualisation de flux futurs ou passés (résultats, cash-flows, dividendes...). Le taux d’actualisation étant fonction du risque, plus ce dernier est élevé, plus le taux d’actualisation augmente ce qui engendre une baisse de la valorisation pour le même niveau de flux escomptés.

 

D’un point de vue pratique c’est également ce qui est constaté :

  • Par exemple dans l’étude de l’Observatoire Synextrans des prix de cession des PME portant sur 76 cessions (Bretagne, Pays de Loire)
  • Ou bien encore le Baromètre Absoluce de la valorisation des PME qui détermine un niveau de décote à appliquer aux multiples de sociétés cotées dans une approche comparative de sociétés non cotées beaucoup plus petites
  • Et la pratique d’Advisio Corporate Finance confirme également ces constats

Pour revenir à la question initiale du titre de cet article, est-ce que mon entreprise se valorise avec le même multiple que celui annoncé dans les médias ? La réponse est oui si votre entreprise fait 120 M€ de chiffres d’affaires avec 17 M€ d’EBITDA.

 

Mais s’agissant de sociétés beaucoup plus petites, notamment celles dont les chiffres d’affaires sont inférieurs à 10 M€, le lecteur aura compris que des multiples significativement inférieurs doivent être envisagés.

Sur des entreprises un peu plus grosses, il faut noter qu’une inflexion significative des multiples de valorisation intervient à partir de 1 à 2 M€ d’EBITDA ou EBIT, niveau inférieur du segment des acquisitions d’entreprises sur lequel de nombreux fonds d’investissements deviennent actifs.

 

On rappellera enfin utilement qu’en tout état de cause, quelle que soit la taille, une analyse spécifique, pour prendre en compte les paramètres particuliers de la société à évaluer est nécessaire pour déterminer précisément le niveau de valorisation qui est réellement envisageable en cas de mise en vente organisée.

 

 

Thierry Charlet,

Advisio Corporate Finance